Orthod Fr 2009;80:305–312, © EDP Sciences, SFODF, 2009, DOI: 10.1051/orthodfr/2009017, Disponible en ligne sur : www.orthodfr.org
Daniel Chillès*, 2 rue Metz-Juteau, 90000 Belfort, France
* Auteur pour correspondance : daniel.chilles@ wanadoo.fr
Dans certains cas, lorsque le contrôle radiculaire n’est pas nécessaire ni même quelquefois désiré, il est possible de réaliser soi-même d’une manière extemporanée des attaches qui permettent des mouvements dentaires de grande liberté. Nous allons illustrer nos propos par deux cas cliniques après avoir montré en détail le procédé de fabrication.
Matériel spécifique nécessaire :
– Fil élastomérique tubulaire de diamètre .025
(0,64 mm), en bobine.
– Fil NiTi de diamètre .012 (0,30 mm), en bobine.
– Résine composite fluide, en carpule ou seringue.
Les attaches sont réalisées une par une après préparation classique de l’émail de toutes les dents destinées à être appareillées.
Le fil élastomérique extrait de sa bobine et coupé à la bonne longueur est positionné à la hauteur désirée sur la première dent puis recouvert de composite à l’aide de la seringue dans un mouvement d’aller et retour vertical (Fig. 1a). Le matériau est photo-polymérisé immédiatement et peut être complété si nécessaire jusqu’à former un pont qui paraisse homogène.
(a à c) Le composite est déposé à la seringue dans un mouvement vertical puis photo-polymérisé immédiatement. (d) Toutes les attaches ont été réalisées, le fil élastomérique sera ensuite retiré par traction latérale.
La même opération est réalisée sur les dents suivantes (Fig. 1b et 1c).
(suite) (e) La longueur de fil NiTi nécessaire a été prélevée de sa bobine. (f) Le fil a été mis en forme à l’aide d’un manche de précelles à la manière d’un bolduc. (g et h) La boucle réalisée entre les dents, afin de passer le fil plus facilement, disparaîtra lorsqu’il sera tiré latéralement au niveau des dents adjacentes. (i) Le fil a été enfilé dans toutes les attaches, les boucles ont disparu. (j) Dans le cas d’un fil rond passé dans un tube rond, le contact fil-tube est ponctiforme.
Une fois toutes les attaches réalisées (Fig. 1d), le fil élastomérique est retiré en le tirant latéralement pour libérer les lumières des attaches. La longueur de fil NiTi nécessaire est ensuite prélevée de sa bobine (Fig. 1e) et mise en forme avec un manche de précelles à la manière d’un bolduc (Fig. 1f). Il est enfilé dans les lumières des attaches à partir de la zone antérieure vers chaque coté en réalisant éventuellement une boucle (Fig. 1g et 1h), qui disparaîtra lorsqu’il sera tiré latéralement (Fig. 1i). En cas de fortes malpositions, plusieurs boucles successives peuvent être réalisées, l’une après l’autre. Il sera possible de remplacer par la suite ce fil par un autre de plus gros diamètre. Comme il sera alors difficile de réaliser des boucles à cause de son manque de souplesse, il sera simplement enfilé à partir d’une dent antérieure vers un des côtés et accroché, lorsqu’il dépassera la dernière attache, à une pince « mosquito » qui sera laissée libre. Il évitera de la sorte de blesser les muqueuses postérieures et il sera possible de continuer à le glisser jusqu’à ce que
son autre extrémité puisse être enfilée vers l’autre côté. Il sera alors recentré et ses extrémités recourbées à la pince.
Les attaches sont étroites, elles permettent ainsi d’éviter d’imposer une composante de force latérale au niveau apical lorsque celle-ci n’est pas désirée. La glisse du fil est aisée dans son tunnel, car le contact fil-composite est ponctiforme (Fig. 1j).
Cet homme de 50 ans a vu ses incisives migrer rapidement, suite à un problème parodontal. Les dents ont basculé autour de leur centre de résistance, car la partie radiculaire intra-osseuse était devenue insuffisante pour contrer les forces musculaires (Fig. 2a–2c). Il nous est adressé par son parodontiste qui nous demande de les remettre en place.
Comme nous désirons effectuer le même mouvement en sens inverse, nous n’utiliserons pas d’attaches classiques qui risqueraient d’appliquer aux apex des forces non désirées, mais nous fabriquerons des attaches étroites en composite. Les forces développées par l’élasticité naturelle d’un fil NiTi de diamètre .012 (0,30 mm) seront suffisantes pour aligner les couronnes. Leur rapprochement sera effectué par l’intermédiaire d’un fil élastomérique identique à celui que nous avons employé comme moule et qui sera mis en tension. Il pourra être placé indifféremment par-dessus ou par-dessous les dents (Fig. 2d).
(a à c) Les incisives ont migré à la suite d’un problème parodontal. (d) Un fil NiTi est enfilé dans des attaches étroites en résine composite, un fil élastomérique est tendu d’un coté à l’autre. (e) Les dents ont retrouvé la position qu’elles avaient avant leur migration. (f à h) Le système est déposé et une contention provisoire mise en place.
En fin de traitement, les dents ont retrouvé la position qu’elles occupaient avant les migrations secondaires (Fig. 2e). Le système est déposé après avoir réalisé une contention (Fig. 2f–2h).
Cette femme de 53 ans présente une parodontolyse avancée (Fig. 3a). La radiographie panoramique que nous réalisons montre que la 22 est complètement sortie de son alvéole en même temps qu’elle révèle quelques problèmes
apicaux passés inaperçus (Fig. 3b). Un traitement prothétique pourrait être envisagé, mais il ne pourrait être réalisé qu’au prix du sacrifice de certains éléments dentaires, avec une réhabilitation bimaxillaire longue, complexe, invasive et irréversible. Nous proposons un traitement orthodontique qui prendra appui sur des vis corticales courtes placées dans l’apophyse zygomatique du maxillaire et dans la symphyse mandibulaire. Il permettra de recréer une occlusion plus stable et un réalignement sans modification des supports dentaires, ceci à moindre coût. Il sera entrepris dans les plus brefs délais compte tenu du risque imminent de perte de la 22, les autres soins étant réalisés en parallèle par son praticien traitant et par un parodontiste.
(a et b) Très importantes migrations dans un tableau de parodontolyses avancées chez une femme de 53 ans. La 22 est complètement sortie de son alvéole. (c et d) Des brackets traditionnels larges risqueraient d’engendrer des composantes de forces inopportunes aux apex, ce n’est pas le cas avec des petits ponts étroits.
Pour permettre à l’apex de la 22 de retrouver lui même son alvéole, tout en fermant les espaces, nous allons nous contenter de la repousser délicatement de manière à éviter tout déplacement latéral au niveau radiculaire.
Si nous utilisions des brackets traditionnels, larges, nous pourrions courir le risque de développer involontairement une composante de force à l’apex allant à l’encontre de ce que nous désirons (Fig. 3c). Nous allons donc réaliser, comme pour le cas précédent, des petits ponts étroits en composite autour d’un fil élastomérique (Fig. 3d). Celui-ci sera conservé en guise d’arc pour effectuer la fermeture des diastèmes et attaché par ses extrémités à des ligatures trans-muqueuses (Fig. 3e– 3g) reliées aux vis (Fig. 3h). Une fois sous tension, son diamètre sera tout naturellement réduit et il pourra glisser aisément dans ses guides. La traction s’effectuera donc vers le haut et vers l’arrière.
(suite) (e à h) Le fil élastomérique ayant servi à confectionner les attaches est accroché aux ligatures trans muqueuses reliées aux vis.
Un second fil viendra dans un deuxième temps par-dessus le premier dans la zone antérieure pour imprimer spécifiquement un mouvement vertical aux incisives (Fig. 3i–3k). Nous remplacerons, dès que nous le pourrons, cet arc un peu particulier par un fil NiTi, sur lequel passera la chaînette élastomérique modifiée reliée aux vis, qui exercera une force d’ingression et de recul (Fig. 3l–3n).
(suite) (i à k) Un second fil élastomérique est ajouté par-dessus le premier dans la zone antérieure afin d’obtenir une résultante des forces plus verticale au niveau des incisives centrales. (l à n) Un fil NiTi a été engagé dans les attaches. Le fil élastomérique relié aux ligatures exerce une force d’ingression et de recul.
Ces attaches nous serviront jusqu’à la fin du traitement et ne seront éliminées qu’après la mise en place d’une contention permanente (Fig. 3o–3q).
(suite) (o à q) Résultat deux ans après la mise en place de la contention permanente et la dépose du dispositif.
Ces attaches relativement discrètes et faciles à nettoyer permettent de contrôler les mouvements verticaux, coronaires mésio-distaux et vestibulolinguaux ainsi que les rotations. Elles permettraient également de contrôler les
mouvements radiculaires si des accessoires spécifiques étaient ajoutés. Cette mécanique semble bien être en interaction avec la biologie du patient compte tenu de la facilité apparente avec laquelle les dents acceptent de se déplacer dans la bonne direction. Elle pourrait être qualifiée de « biocompatible » ou « bio-active » en reprenant le concept « d’autokinesis » évoqué par Voudouris dans l’Orthodontie Française1 qui, même s’il n’a jamais été validé scientifiquement, nous paraît ici correspondre à nos observations cliniques. Ceci ouvre des perspectives intéressantes qui ne dépendent en réalité que de l’imagination de l’orthodontiste.
1 Voudouris J. Entretien avec le Dr John Voudouris. Orthod Fr
2008 ;79:143–150.
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